Homélie prononcée par Monsieur l’Abbé Michel Viot pour la messe célébrée le mercredi 16 octobre 2019 en la Basilique Royale de Saint Denys à la mémoire de
               MARIE ANTOINETTE 
        REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE 

Textes: II Macchabées XII 43-46
Séquence des morts ( Dies irae)
Saint Jean VI 37-40.

Nous avons entendu à la fin de notre première lecture que c’était parce que Judas Macchabée croyait à la résurrection des morts « qu’il envisageait qu’une belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété. » et que notre évangile de ce jour se terminait par ces mots de Jésus exprimant la volonté de son Père que « quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi , je le ressusciterai au dernier jour. ». 
Ces paroles d’assurance et de foi soutinrent, plus qu’on ne l’imagine notre reine, mais très certainement seulement quand commença la partie la plus sombre de sa vie , qui se termina ce jour funeste du 16 octobre 1793, que nous commémorons aujourd’hui. Son attachement au catholicisme fut celui tout naturel des Habsbourg , mais exprimé avec la légèreté de l’aristocratie de son temps. Dans sa jeunesse elle ne porta pas grand intérêt aux études non plus . Sa mère trop occupée par la politique ne découvrit cette situation alarmante qu’aux treize ans de la jeune fille quand il fut question de son prochain mariage avec le Dauphin de France. Elle fît le triste constat que celle-ci ne savait écrire correctement ni l’allemand, ni le français ! L’impératrice voulut alors à sa manière rattraper rapidement le temps perdu et Louis XV envoya à Vienne l’abbé Vermond, Grand Vicaire de l’Archevêque de Toulouse. . Une phrase extraite de la correspondance entre l’abbé et le ministre Choiseul explique beaucoup de choses quant aux erreurs que commettra la future reine « Elle m’entendait bien lorsque je lui présentais des idées toutes éclaircies ; son jugement était presque toujours juste, mais je ne pouvais l’accoutumer à approfondir un objet quoique je sentisse qu’elle en était capable. J’ai cru qu’on ne pouvait appliquer son esprit qu’en l’amusant »(1). 
Quand arriva enfin de France la demande officielle du mariage, la pieuse Marie Thérèse fut bien évidemment ravie mais éprouva une grande angoisse, qu’elle ne put entièrement expliquer à sa fille. Elle connaissait l’influence néfaste de la philosophie des Lumières en France, particulièrement chez les intellectuels et donc à Versailles même. Malgré son admiration pour Louis XV qu’elle appréciait comme homme d’Etat, parce qu’elle le connaissait bien, à l’inverse de la plupart des historiens qui nous en parlent, elle ne pouvait approuver sa vie privée. Certes cela n’avait aucune influence sur sa politique, mais tout de même ! Et beaucoup de courtisans l’imitaient. Quel exemple pour sa fille ! Aussi, Marie Thérèse n’hésitera pas à écrire à son ambassadeur quelques temps plus tard , avant l’avènement de sa fille comme reine que la France était à ses yeux « une nation sans religion, sans mœurs, sans sentiments. »(2). Qu’écrirait-elle aujourd’hui ? Nul doute , en tout cas, que l’endroit où allait vivre sa fille était un lieu de perdition.
Marie Antoinette fut cependant mariée au Dauphin Louis le 16 mai 1770, elle n’avait pas encore 15 ans. Son époux n’avait qu’un an de plus. Ils montèrent sur le trône le 10 mai 1774, n’ayant pas encore 20 ans! Ils étaient à cette époque très populaires, le jeune roi surtout dont on attendait beaucoup, et ce, d’autant plus que le défunt roi avait perdu toute popularité. Le peuple se trouvait d’autant plus malheureux que les faiseurs d’opinion l’en persuadait de mille et une manière. Et la situation politique de la France était une des plus difficiles qu’un roi ait connu en France au début de son règne, sinon la plus. Et comme toujours dans les cas difficiles, surgissent comme par enchantement des vocations de conseillers. Et leur nombre est d’autant plus grand qu’ils s’imaginent être facilement écoutés d’un pouvoir à qui on a fait la réputation d’être faible.
Très tôt, Louis XVI eut cette réputation, et il faut bien reconnaître que sa femme y eu sa part de responsabilité, ne tenant aucun compte des conseils de prudence prodigués sa sa mère. Elle misait sur un charme qu’elle croyait irrésistible pour mettre dans sa poche les espions de maman : Vermond et l’Ambassadeur Mercy-Argenteau. Elle réussit parfaitement, en y montrant beaucoup d’habileté, peut-être parce qu’elle considérait sa relation conjugale comme un échec, bien que le roi soit toujours resté amoureux de sa femme, et par exemple ne prit jamais de maîtresse.
Mais il faut savoir pour comprendre une partie des déboires de Marie Antoinette que son mariage n’était pas du goût de tout le monde, du simple fait qu’elle venait d’un pays traditionnellement ennemi de la France. Le petit peuple lui avait fait bon accueil avec force démonstrations d’amour enthousiaste comme seuls les français en sont capables, mais la cour avait été plus réservée, d’autant plus qu’y régnaient des cabales concernant la Du Barry et la disgrâce de Choiseul. Marie Antoinette, malgré les conseils de sa mère s’en mêla et commença à s’attirer des critiques. Déjà le jour même de son mariage, elle fut involontairement la cause de changement de protocole dans l’ordonnancement du bal, la noblesse lorraine , proche de sa famille, eut préséance sur l’aristocratie plus titrée. Les dames qui s’étaient estimées lésées ne pardonnèrent jamais ! Et l’addition de petits événements de ce genre la rendra lentement mais sûrement impopulaire. C’est sur ce terrain propice à la médisance que furent connus les malheurs d’alcôve du couple princier. Effectivement le mariage ne fut consommé qu’au bout de 7 ans. Alors qu’on en connaît aujourd’hui parfaitement la cause, tout comme certaines personnes bien informées ont pu le savoir dès 1777, année de la venue privée de Joseph II en France pour confesser sa sœur et son beau-frère. Il a fait un compte rendu fort détaillé, trop même pour être lu en ces lieux dans deux lettres des 11 mai et 9 juin 1777 à son frère Léopold. Louis XVI ne souffre d’aucune malformation physique, comme l’avait déjà constaté Lassonne le médecin personnel de Louis XV. On aurait fait l’opération nécessaire, si tel avait été le cas, car c’était une affaire d’Etat. C’est Marie Antoinette la principale responsable, mais elle ne voulut jamais en convenir jusqu’en 1777, et commit l’erreur terrible de laisser calomnier le roi, par des libelles passant les limites de la bienséance. Elle crut ainsi sauver son honneur, devant sa mère, la cour, le peuple, et qui sait son mari en le plaçant devant des responsabilités qu’il n’avait pas.
Mais cette attitude se retourna contre elle. Et l’on se dit que si elle supportait un mariage non consommé, eh bien c’est qu’elle n’avait peut-être que peu de goût pour les relations conjugales. Et l’on ne tarda pas à gratifier Mesdames de Lamballe et de Polignac d’autres qualificatifs que ceux de favorites, et comme toujours les accusations se démultiplièrent en libelles et même en gravures . Louis et sa femme furent outrés, d’autant plus qu’ils eurent très vite la conviction que leur très proche entourage y était pour quelque chose. C’est sans doute pour cela que l’un et l’autre furent très francs avec Joseph II. Ce dernier qui ne connaissait pas son beau-frère et qui , suivant la rumeur le traitait volontiers d’imbécile, changea complètement d’avis après leur rencontre, ce qui contribua à sauver la paix en Europe quelques années plus tard. Quant à Marie Antoinette, elle put écrire à sa mère quelques jours après le départ de son frère, que son mariage était complètement consommé et elle fut enceinte de Madame Royale avant de donner encore naissance à deux garçons et une fille. Soit 4 enfants qui vivront. Cela dit la calomnie est tenace, et la rumeur de batardise commença à circuler et sera reprise pour les autres naissances jusqu’à la révolution incluse. On y ajouta l’affaire Fersen, qu’elle aima certainement, mais sans passer à l’acte, à cause son éducation très stricte sur cette matière et de la surveillance continuelle dont elle fut l’objet à Versailles, comme aux Tuileries et de plus , si tel avait été le cas , cela n’aurait pas manqué d’être rappelé à son procès, où l’accusation n’hésita devant rien.
Il n’y a donc pas dix ans que Marie Antoinette est arrivée en France qu’elle est déjà cruellement décriée à la cour d’une manière sournoise, ainsi que dans le peuple .
La jeune fille arrivée à Versailles était livrée sans défense à une véritable jungle. D’épouse éprouvée, elle devint vite une reine humiliée, puis pour finir son calvaire, une mère et une femme calomniées. Le roi lui interdisant tout rôle politique, elle crût qu’elle pouvait se distraire en jeux, bals à Paris la nuit, parlant simplement aux gens. Cela ne fît qu’aggraver le mal en aggravant les médisances et augmenter ainsi son impopularité.
On toucha le fond avec la célèbre affaire du collier en 1785, qui montra le peu de cas que le parlement faisait de l’honneur du roi et de la reine, et pour cette dernière l’ampleur des noires pensées ou projets qu’on pouvait lui prêter.
Cette terrible découverte lui ouvrit aussi les yeux sur son mari. A défaut d’en tomber follement amoureuse, elle commença à l’admirer. Elle apprécia à sa juste mesure sa faculté de discerner la loyauté de la veulerie, elle qui avait souvent été abusée à ce sujet. Non, il n’était ni faible, ni mou, il savait gagner du temps pour réfléchir et démêler le vrai du faux avant de prendre une décision.
La grande question qui empoisonna ce règne était , je le rappelle, officiellement financière, car les factieux se gardaient bien de parler religion. Aussi Louis XVI utilisa t’il son pouvoir de roi pour soutenir la réforme de Calonne, le dernier grand ministre à l’avoir servi. Le roi et la reine placèrent beaucoup d’espoir dans ce projet qui comprenait une réunion d’assemblée de notables, évitant ainsi le danger des États généraux. Elle s’ouvrit le 22 février 1787. On y retrouvait les trois ordres traditionnels du royaume, mais en assemblée au nombre restreint permettant véritablement un travail sérieux. Pour faire bref, je dirai que Calonne proposait une égalité devant l’impôt par un nouvel impôt, la subvention territoriale , qui mettait fin aux privilèges en imposant la noblesse comme le clergé. Certes, sur le plan personnel, Marie Antoinette n’aimait pas Calonne, mais je remarque que les proches de la reine soutinrent le ministre, le comte d’Artois ,frère du roi, les Polignac, qui se retrouvèrent avec les grands seigneurs libéraux. Ses ennemis déclarés, au contraire, le comte de Provence et le duc d’Orléans sabotèrent cette dernière tentative qui aurait pu éviter la révolution. Marie Antoinette ne manifesta son hostilité à Calonne que quand celui-ci eut perdu la partie, en proposant pour le remplacer l’Archevêque de Toulouse qui, au nom de l’Eglise avait été le principal adversaire du ministre . Elle montra ainsi sa reconnaissance pour Loménie de Brienne pour la présence de Vermond à ses côtés et suppléa à la dépression de son mari qui n’avait pas supporté l’échec de Calonne. De plus, fait important, elle fut pour la première fois mise au courant des problèmes politiques de la France. Brienne, piètre évêque, était loin d’être sot. Il savait sa situation instable et aimait être entouré de belles femmes. En tout bien tout honneur, Marie Antoinette joignît auprès de lui l’utile à l’agréable. Et quand tous deux se rendirent compte que seule la solution de Calonne était la bonne, ils eurent le courage de la reprendre autrement. Mais le parlement et les privilégiés ne pardonnèrent pas ce revirement. Loménie dut démissionner le 25 août 1788, et Louis XVI , qui ne l’avait guère en sympathie , lui obtînt à la fin de cette année le chapeau de Cardinal.
Retenons de cet épisode que Marie Antoinette se range résolument du côté des partisans des réformes, tout comme Louis XVI, mais à sa manière, incapable de dissimuler trop sa susceptibilité, alors qu’elle ne s’en sortait pas mal pour ses sentiments. A l’image de son mari le roi, elle commença à jouer le double jeux. Mais par rapport au roi elle manqua toujours d’expérience. Louis XVI avait toujours quelques longueurs d’avance sur elle, se soumettant à ce genre d’exercice depuis 1774, elle, elle ne commençait en politique qu’en 1788. Ce décalage l’amena-t’elle à concevoir des plans contraires à celui du roi, à partir de 1789? Peut-être ? Furent-ils mis à exécution ? Nous n’en avons aucune preuve. En revanche, ce qui est sûr, c’est le rapprochement du couple royal, tant sur le plan personnel que dans le jugement des événements tragiques qui vont se produire en France. La seule différence de vue importante portait sur le rôle que pouvaient jouer les puissances étrangères dans les affaires de France. Louis XVI, sans le négliger, n’y plaçait pas tous ses espoirs. Marie Antoinette oui! Appartenant à une grande famille, elle était la petite avant dernière de seize enfants. Nul doute que ses grands frères voleraient à son secours, comme l’avait fait Joseph II en venant à Versailles pour sauver son mariage. Mais, ni Joseph II, ni son successeur et frère Léopold, ne jugèrent qu’une intervention armée était nécessaire. Ils rejoignaient Louis XVI pour éviter la politique du pire. Nous avons des lettres de ces deux souverains qui avaient parfaitement compris le jeu de Louis XVI. Devenu empereur à la mort de son frère, Léopold II écrira au comte de Provence de laisser agir son frère. Il demandera aux émigrés de Koblenz de se disperser et d’arrêter leur tapage. Mais il mourût malheureusement le 1er mars 1792, et son fils François lui succèdera. Et Marie Antoinette à juste titre reprît peur. Sont neveu qui vient d’accéder au trône n’a pas l’envergure de son père. La France et sa propre tante, qu’il ne connaît d’ailleurs pas sont le cadet de ses soucis . L’Assemblée législative française, dominée à l’époque par les girondins veut la guerre. Il le sait mais n’en tient pas compte, pire il laisse circuler l’idée que s’il est amené à faire la guerre ce sera d’´abord dans l’intérêt de l’empire autrichien, ce qui bien sûr démotive ses alliés, prussiens entre autres. Mais il ne veut pas s’en rendre compte. Il refuse l’ultimatum de l’Assemblée française de fin mars, en n’intervenant pas auprès des émigrés, ce qui oblige Louis XVI à proposer à l’assemblée de lui déclarer la guerre le 20 avril 1792.
Marie Antoinette s’en réjouit, étant sûre, il faut le dire d’une défaite française. Et avant de l’accuser de sottise et de traîtrise, il faut tout de même se souvenir qu’à cette époque les deux esprits politiques les plus clairvoyants parce que bien informés pensaient la même chose. Oui , Louis XVI, tout comme Robespierre étaient du même avis. Tout faire pour éviter la guerre, car pour eux aussi la défaite était quasiment sûre. L’armée française, comme tous les grands corps de l’Etat avait souffert de l’incurie politique des révolutionnaires, les girondins très particulièrement, véritables caricatures de l’arrogance française quand elle se manifeste « Nous vaincrons l’hydre de la tyrannie grâce à nos valeurs. » genre de phrases que les français affectionnent qui leur cache la réalité. Pour 1792, c’était l’absence de discipline dans l’armée , les caisses de l’Etat vide, et la nécessité qu’il y aurait à opérer une levée en masse, introduisant des non professionnels dans nos régiments. Louis XVI fut quant à lui toujours économe du sang français. Il ne choisit la guerre que contraint et forcé pour éviter une guerre civile immédiate. Je ne crains pas de dire aujourd’hui que le roi eut raison. La politique exige souvent de choisir le moindre mal. Sa popularité s’accrut. Il faut dire aussi que depuis l’aventure de Varenne, il avait su mettre de son côté quelques journaux.
Et les défaites commencèrent comme prévues. Les agitateurs hurlèrent à la trahison et inventèrent le comité autrichien. Déjà la cinquième colonne ! Marie Antoinette fut désignée comme traîtresse en chef et ce fut l’assaut des Tuileries du 20 juin 1792. Laissé exprès sans défense, le château se vit envahi par quelques huit mille personnes venues tout exprès pour en finir avec la famille royale. Marie Antoinette put alors voir cette scène inattendue : Louis XVI seul, monté sur une table, dans l’embrasure d’une fenêtre entouré de quelques gardes nationaux, parler à la foule du haut de ses un mètre quatre-vingt treize. L’affaire dura presque 3 h. Le roi accepta de coiffer le bonnet rouge et de boire à la santé de la nation, mais il ne retira pas ses vétos, ce qui était l’essentiel. Le 20 juin tout n’était donc pas perdu, le roi avait retrouvé sa popularité, un instant fragilisée, la reine elle-même fut respectée et put ainsi continuer à admirer son mari pour la manière dont il faisait face à la révolution. Edgar Quinet , un républicain convaincu écrira quelques dizaines d’années plus tard que Louis XVI ne fut jamais autant roi qu’à ce moment-là. Mais cela ne faisait pas l’affaire des extrémistes. A Koblenz on enrageait de voir Louis XVI redevenu populaire! Effroi aussi chez les républicains en France, surtout chez les jacobins montagnards qui commençaient à trouver ces girondins bien incapables et encombrants, on s’en souviendra, plus tard!
Mais les défaites continuaient, les coalisés approchaient de Paris. Le roi devrait traiter avec eux ! Ce que redoutaient Koblenz et la Montagne. La reine tenait toujours à un manifeste de la part des coalisés pour éviter des effusions de sang inutiles. Il fallait donc rassurer les civils. Dire au peuple de France qu’on ne lui en voulait pas, mais seulement aux factieux fauteurs de désordres. D’où le manifeste signé par le duc de Brunswick qui parvint à Paris fin juillet 1792. Ce texte mit le feu aux poudres dès qu’il fut connu le 1er août. Si la première partie pouvait satisfaire Marie Antoinette, la seconde pleine de menaces contre la ville de Paris constituait un véritable « pousse au crime. » contre le roi et sa famille . Plusieurs noms sont cités pour les rédacteurs, car Brunswick n’a fait que signer. Un nom ressort le plus souvent. Jérôme- Joseph Geoffroy de Limon créature du duc d’Orleans, et en émigration devenu proche du Comte de Provence . Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus............! Les factieux de Paris n’avaient qu’à terminer le travail. Danton ayant institué une commune insurrectionnelle à Paris fut l’âme de la journée du 10 août qui renversa la royauté .
Louis XVI ne nourrissait pas de grandes illusions sur son sort, mais il gardait encore quelque espoir pour sa femme et le reste de sa famille. La preuve se trouve dans une des dernières demandes qu’il fit à la Convention la veille de son exécution. Normalement son exil aurait pu être envisagé par des politiques normaux. Mais où était la normalité parmi les dirigeants français de cette sinistre période, conduits uniquement par l’ambition du maintien au pouvoir et l’idéologie? Dès le mois de mai 1793, Robespierre en toute logique révolutionnaire voulut se débarrasser de tout ce qui pouvait s’opposer au monde nouveau et parfait qu’il prétendait créer. La terreur devait continuer à être à l’ordre du jour. Tout le monde devait le savoir et il fallait de grands exemples. Les girondins, les premiers grands meneurs de la révolution en firent les frais, tout comme Philippe Égalité, ci devant duc d’Orléans, et bien sûr Marie Antoinette. Sa mort ferait plaisir au peuple, contrairement à celle de Louis XVI. C’est alors que Robespierre décida de mettre en marche l’engrenage de la mort. La reine fut nuitamment enlevée du temple , le 2 août, pour un cachot à la conciergerie, afin d’y être isolée et mieux observée. L’incorruptible sut qu’elle avait des pertes de sang et lui envoya son médecin personnel Joseph Souberbielle qui confirma les dangers de ces hémorragies, d’où l’accélération de la procédure, et même en dernière minute, chose inouïe , l’intégration du médecin au jury pour dire à ses collègues que de toutes façons la reine était condamnée à mort pour cause de maladie très grave . Donc les scrupules étaient inutiles. Le 12 octobre eut lieu le premier interrogatoire dans la soirée. Aux questions posées, elle répondit fort habilement malgré la fatigue. Le dossier était vide, son intuition, comme ce qu’a pu lui dire le roi de son propre procès, lui en donne conscience. Au travers elle, c’est son mari qu’on va rejuger. Herman qui présidait le tribunal le savait bien lui qui avait demandé des preuves écrites supplémentaires . Fouquier et lui ont dû se contenter de ce qu’ils ont pu retrouver du dossier du roi. Ses avocats furent seulement prévenus le 13 octobre qu’ils auraient à plaider le 14. Chauveau-Lagarde et Tronson-Ducoudray essaieront en vain d’obtenir un délai. 
Le procès commencera tout de même le 14 octobre à 8 h du matin et durera jusqu’à 23 h, avec une très brève pause à la mi-journée. Le lendemain,il reprendra à 8 h pour se terminer à 4 h et demi du matin sur le verdict. Tout était fait pour épuiser l’accusée et lui arracher une parole fautive qui pût justifier sa condamnation. Il a fallu à la reine , malade, le courage de tenir et de se contrôler en entendant des témoignages insipides, qui n’apportaient rien et souvent se retournaient contre l’accusation qui pourtant les avait choisis. Ce fut souvent grotesque, voire risible, comme l’affaire de bouteilles vides trouvées sous son lit aux Tuileries, prouvant qu’elle avait voulu enivrer les gardes suisses! Mais il y eut pire, l’accusation d’inceste sur son fils, portée par le sinistre Hébert. Sur le moment, elle ne répondit pas sentant que la salle ne suivait pas. Herman, en magistrat expérimenté ressentit le même chose et ne donna pas suite. Et c’est un juré, un non professionnel qui va faire revenir sur cette question. La reine abandonnera son calme et c’est avec profonde indignation qu’elle trouva quelques mots justes pour en appeler à toutes les mères. Et il en avait suffisamment dans la salle pour partager son indignation. Robespierre apprit la chose le soir même et traita Hébert d’imbécile. Dans moins d’un an il sera à son tours guillotiné . 
En quittant la salle du tribunal révolutionnaire, pour regagner son cachot, elle sait qu’elle n’a plus que quelques heures à vivre. C’est à Madame Elisabeth qu’elle va écrire, resserrant ainsi les liens de famille avec les Bourbon. Tout avait commencé par là et tout devait finir par là. « Je n’étais que la femme de Louis XVI, et il fallait bien que je me conformasse à ses volontés. » avait-elle répondu à ses juges quelques heures plus tôt. Eh bien , elle voulut le demeurer jusqu’au bout ! C’est à mon avis le sens de « je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère ; comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. ». Et comme le roi elle restera digne . Elle devient alors l’épouse sublime qu’elle n’a pas su toujours être. Ensuite elle pense à ses enfants et chante les bienfaits de l’amour familial, source d’amitié sans laquelle nul ne peut vivre. Et nul doute qu’à ce moment, où la mort s’approche, elle pense aux vrais et aux faux amis, mais surtout aux vrais et elle y place Elisabeth, avec qui pourtant elle ne fut pas toujours d’accord. Mais la cour de Versailles s’est désormais évanouie, elle n’a plus d’hommages à y recevoir. Elle doit préparer les siens pour faire sa cour à Dieu. Et elle illustre peut-être comme l’a fait remarquer Stefan Zweig à propos de cette dernière lettre cette réflexion de Goethe « A la fin de la vie des pensées jusqu’alors informes surgissent clairement dans l’esprit, elles sont comme d’heureux et brillants génies qui se posent sur les cimes du passé. » (3). Et elle confesse sa foi, car comme pour Louis XVI on a pu se méprendre, tant à cause de la Constitution civile du clergé que de sa propre conduite. « Je meurs dans la religion catholique apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j’ai été élevée et que j’ai toujours professée - et craignant de n’avoir pas de prêtres non jureurs pour l’assister - je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe...je demande pardon à tous ceux que je connais, et à vous ma sœur en particulier, de toutes les peines que sans le vouloir j’aurais pu vous causer. Je pardonne à mes ennemis tout le mal qu’ils m’ont fait. ». C’est son mari, dans son testament qui reparle par sa bouche, de même que dans l’exhortation à ses enfants de ne pas chercher à venger leur mort.C’est donc dans le plus pur des christianismes que Marie Antoinette acheva sa vie terrestre. Elle montra qu’elle se trouvait déjà dans la lumière de la résurrection.
Ses épreuves diverses et son abaissement extrême quand elle entra à la prison du temple avaient élevé sa foi. Avant d’appartenir à l’illustre Maison d’Autriche-Lorraine, elle eut conscience de son appartenance à la famille du Christ, l’Eglise. Ainsi , sans s’en rendre compte, les meneurs de la révolution en l’associant aux prétendus crimes de Louis XVI posèrent sur sa tête la couronne inaltérable des martyrs. Elle n’avait pas été sacrée lors de la cérémonie de Reims comme cela aurait pu se faire et recevoir une magnifique couronne ornées de bijoux. Son sang lui en donna une autre. Car le sang des martyrs, non seulement féconde l’Eglise mais encore lave de toute souillure, y compris le péché originel. C’était le baptême du sang des premiers martyrs chrétiens qui n’étaient que catéchumènes au moment de leur mort.
Ceux qui aujourd’hui parmi les français ont gardé quelque sens de l’honneur, se demanderont donc toujours comment une civilisation comme la leur , arrivée à sa maturité et à son excellence en cette fin de 18 ème siècle , put traiter une femme qui fut leur reine avec tant de barbarie et de cruauté. La réponse est simple, ils avaient chassé Dieu de partout. Leur extrême sensibilité devint alors une sensiblerie prête à engendrer à tout moment les actes les plus féroces . Et pour qui est lucide, il me semble clair que nous nous trouvons aujourd’hui dans les mêmes ornières, faisant ou laissant faire, pour l’instant, le sale boulot par d’autres . Et ce sera bientôt reparti comme en 1789! Il est donc plus que temps pour nous tous de revenir à Dieu.
Ainsi soit-il !

1 Simone Bertière « Marie Antoinette l’insoumise. » p 77. Editions de Fallois
2 ibid. p 81
3 Stefan Zweig « Marie Antoinette p 475 Editions le livre de poche 

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