Homélie prononcée par Monsieur l’Abbé Michel Viot pour la messe célébrée le lundi 16 octobre 2023 en la Basilique Royale de Saint Denys à la mémoire de
MARIE ANTOINETTE
REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE
Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ! « Omne,quod dat mihi Pater, ad me veniet : et eum qui venit ad me, non ejiciam foras…. « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi : et celui qui vient à moi je ne le rejetterai pas… » « Haec est autem volontas ejus, qui misit me, Patris : ut omne quod dedit mihi, non perdam ex eo , sed resuscitem illud in novissimo die. » « Mais telle est la volonté du Père qui m’a envoyé, :c’est que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour. » De par sa haute naissance, la plus jeune des filles, avant dernière exactement des seize enfants qu’eut le couple impérial, formé par François de Lorraine et Marie Thérèse de Habsbourg, Marie Antoinette devint Dauphine de France à 14 ans en épousant Louis Auguste, le petit fils de Louis XV. Son mariage était un signe de paix entre la maison d’Autriche et celle de France qui se livraient une guerre séculaire, au point qu’au 16 ème siècle, la France s’était alliée au Grand Turc pour combattre la maison d’Autriche ! Il n’y avait pas de vaisseaux français à la bataille de Lépante , en 1571, dont l’issue victorieuse fut capitale pour l’avenir de l’Europe chrétienne. En 1770, Louis XV et Marie Thérèse, par le mariage de Louis et de Marie Antoinette , unissaient les deux plus grandes monarchies catholiques d’Europe, au travers de l’union de ces deux jeunes gens très pieux, il faut le signaler, car c’était loin d’être évident en cette deuxième partie du dix-huitième siècle marquée par l’impiété notoire de la haute société ! Le fils de Louis XV , Louis Ferdinand et son épouse Marie Josèphe de Saxe veillèrent personnellement à l’éducation chrétienne de leurs enfants, l’aîné, le duc de Bourgogne qui fut Dauphin de France à la mort de son père en 1765 fut comme lui d’une grande piété et d’un grand courage lors de son opération d’une tumeur à la jambe, puis devant la mort, alors qu’il n’avait que dix ans. C’est son petit frère le duc de Berry qu’il appela auprès de lui et qui fut témoin de son religieux départ , le futur Louis XVI, lui aussi très pieux, même grande piété aussi chez ses admirables soeurs, Clotilde et Elisabeth. Quant à son frère Charles, il ne le devint que sur le tard, avant d’être sacré Charles X, reste Louis Stanislas qui demeura un sceptique, même devenu Louis XVIII, ce qui ne l’empêcha pas de faire remarquer à l’évêque qui lui administrait les derniers sacrements qu’il avait sauté le verset d’un psaume. Quant à Marie Antoinette, elle avait reçu la stricte éducation catholique de sa mère, pour qui c’était une affaire de famille. La cour de Vienne était austère et ne manquait pas de regarder celle de Versailles comme un lieu de perdition. Marie Antoinette reçut plus d’un avertissement à ce sujet, tout le temps que vécut son impératrice de mère ! Et principalement on la mit en garde contre la philosophie devenue la coqueluche de l’intelligentsia française ! Cette philosophie des Lumières, foncièrement anti chrétienne, ne voulant, comme Voltaire qu’accepter le vague déisme supposant un Grand organisateur des mondes, les ayant abandonnés au seul génie humain, ce qui amènera à discriminer la présence de génie ou non, chez les hommes, et ce , à l’aune des idéologies en cour, ou si vous voulez à la mode. On inventera alors une nouvelle égalité dont la déclaration des droits de l’homme de 1789 est sans doute le plus magnifique de ses hypocrites chefs d’oeuvre , puisque qu’elle arrivait à condamner à mort le catholicisme en France, sans que personne ne s’en aperçût , ou presque, car des hommes aussi différents que l’abbé Grégoire ou Louis XVI ne furent pas dupes tout comme le Pape Pie VI qui eut le courage de condamner cette déclaration fin mars 1791 par le Bref « Quod aliquantum » et qui le paiera de sa vie en mourant dans une prison française de mauvais traitements en 1799. Mais ce n’était plus un homme pour les sectateurs de Jean Jacques Rousseau , puisqu’il était catholique et pire encore, pape ! Louis Auguste, tout comme Marie Antoinette, avaient dès leur jeunesse été prévenus par leurs parents contre cette impiété à la mode. Il ne faut jamais l’oublier. Leur éducation fut stricte, c’est pourquoi je rappelle qu’ils furent donnés au Christ par elle, dans la suite de leur baptême, et conformément à la vocation qu’impliquait leur naissance : un Bourbon, fils de Saint Louis, appelé à régner sur un pays qui a grandi comme Fille aînée de l’Eglise, une Habsbourg- Lorraine, qui a pour ancêtres des empereurs du Saint Empire romain germanique, ne peuvent vivre et régner que comme défenseurs de la foi catholique, et leur union devenir un facteur de paix, surtout entre pays partageant cette même foi . De 1770 à 1790, la paix régna en Europe. Du « jamais vu » depuis très longtemps ! Dès 1770 , ils surent se faire apprécier et aimer du peuple Français, des parisiens en particulier, qui connaissaient leur attachement à la religion et leur grande charité. C’est une foule en délire qui accueillit leur première visite officielle à Paris. La place Louis XV était noire de monde quand on tira le feu d’artifice et le feu qui prit accidentellement à un baraquement fut cause de mouvements de foule provoquant de nombreux morts et blessés. Le lendemain le jeune couple envoyait tout son argent à Paris pour les secours. Mais ce couple adulé se trouva rapidement en difficulté, et il faut insister sur ce point car il s’agissait d’un couple qui devint royal en 1774. À cette date, et jusqu’au 18 août 1777, le mariage n’était pas consommé. C’était là un motif de répudiation que l’Eglise aurait accepté. Cependant ni Louis XVI, ni Marie Antoinette ne voulurent s’engager dans cette voie . Le roi parce qu’il aimait sa femme, et qui savait qu’il n’était nullement responsable de cet état de choses, croyait au sérieux du sacrement du mariage. Ce dernier point était partagé par Marie Antoinette, mais le grand amour, certainement pas. Elle l’avait vu pourtant chez sa mère, à l’égard de son époux François de Lorraine, mais elle savait par son éducation que ce n’était point une nécessité pour une princesse , et que l’on doit quelquefois à son rang le sacrifice de savoir se passer de ce genre de plaisir. Et Marie Antoinette sut toujours garder sa dignité, quoiqu’on ait pu dire , ce qui était loin d’être le cas chez les personnes de son entourage. Aussi n’est-il pas étonnant d’en retrouver certaines parmi les calomniateurs de la reine, et quitte à imaginer des choses, on ne se gêna pas, on lui inventa amantes et amants, on lui attribua d’énormes dépenses de cour, alors qu’elle n’était qu’à l’origine que d’un nombre finalement assez restreint de faveurs, certes pas toutes judicieusement répandues, mais ces générosités n’étaient point ruineuses quoique souvent maladroites, et elle était bien jeune ! Quant au reste, il suffit de savoir ce qu’était l’étroite surveillance imposée par l’étiquette ! Le roi était parfaitement au courant de ce que faisait la reine , lui qui était extrêmement regardant en matière de dépenses, cela lui permit en outre d’écarter sa femme de toute décision politique jusqu’en 1788, un an avant le début de la révolution. Cela ne signifie pas que le roi soupçonnait sa femme de malices, au travers de ce qu’elle aurait pu conseiller, il se méfiait de l’ambition de Joseph Il, le frère de son épouse, associé par sa mère Marie Thérèse au gouvernement de l’empire. L’homme était pourtant bienveillant et intelligent. Il l’avait prouvé en venant incognito en France, sous le nom de comte de Falkenstein à Versailles pour visiter sa soeur et son beau-frère le 19 avril 1777, d’abord pour leur affaire de couple qu’il sut avec habileté découvrir et comprendre, si bien qu’après son départ le 30 mai, le mariage fut consommé le 18 août et le premier enfant, Madame Royale naîtra en décembre 1778, d’autres suivront. Mais Joseph Il voulait voir de près cette France, encore premier pays du monde civilisé, que tous enviaient pour sa puissance sa culture, sa langue, ses arts, tout cela construit pendant des siècles par ceux qui ont voulu que leurs restes mortels reposent ici, comme quelques-uns de leurs tombeaux encore présents en témoignent. Ils sont ainsi abrités par cette basilique, mémoire de pierre de notre vieille France catholique ! Pourquoi sommes-nous si peu ce jour ? Je sais que dans tout notre pays nous ne comptons plus que 1,5% à 2% de pratiquants ! Mais nous qui sommes si nombreux le 21 janvier, pourquoi un si faible rassemblement le 16 octobre. Aurions-nous été contaminés par la propagande de Robespierre et d’Hébert ? L’anniversaire qui nous rassemble aujourd’hui , fait partie d’un ensemble auquel nous devons être sensibles dans sa totalité . Quand le 20 janvier 1793, le roi eut la certitude qu’il serait mis à mort le lendemain , il se préoccupa du sort de sa famille et d’obtenir un prêtre non jureur pour l’assister . Il obtint ce prêtre ! Quant à son souhait « qu’après sa mort sa famille pût se retirer librement où elle le jugerait bon », la Convention, autrement dit la République répondit que « la Nation toujours grande et juste s’occuperait du sort de sa femme et de ses enfants »! On inaugurait l’utilisation de belles déclarations …le nouveau système de gouvernement commençait en s’appuyant sur des paroles aussi solennelles que mensongères ! On promettait de protéger la famille, alors que comme l’a écrit Balzac, en coupant la tête de Louis XVI, on avait coupé la tête de tous les pères de famille ! Au lendemain de la mort du roi, on fit porter au Temple des robes de deuil pour les femmes. Voilà que la nouvelle France améliorait son hypocrisie, rajoutant l’image au mensonge verbal cynique. Tout était prêt pour les futures revues de presse à photos choc et la télévision. Le sacrifice permanent de l’être au paraître ! Mais un homme très au fait de ce que méditaient les révolutionnaires, Toulan, qui avait participé à la prise des Tuileries et était devenu un des commissaires de la commune de Paris s’était pris d’amitié pour la famille royale, comme c’est souvent arrivé à ceux qui l’ont fréquentée. Il savait la reine en grand danger, aussi exposa-t’il un plan sérieux pour la faire évader avec le reste de sa famille, plan si sérieux que la reine le mettra en contact avec un homme sûr auquel Louis XVI avait demandé de rester à Paris: le général de Jarjayes. Un des conjurés tardera à obtenir les visas car les évadés devaient s’enfuir en Angleterre et le 5 avril 1793, le passage de Dumouriez dans le camps autrichien placers Paris en état de siège. La reine aurait dû et put quitter seule le Temple, elle refusa pour ne pas abandonner son fils. Le 1 er août Valenciennes fut prise. On devint très nerveux chez les révolutionnaires , d’autant plus que la guerre politique avec les girondins était commencée. Barère demanda à la Convention la mise en jugement de la Veuve Capet qui, au Temple avait déjà été séparée de son fils. Les autorités voulaient en faire un bon patriote et surtout le préparer à témoigner contre sa propre mère en le droguant avec du vin et en lui suggérant des obscénités auxquelles cet enfant de 8 ans ne comprenait rien. Dans la nuit du 1er au 2 août elle fut emmenée à la Conciergerie . Il semble qu’elle ait pu bénéficier des services d’un prêtre non jureur l’abbé Magnin, se confesser et communier.. Elle tint bon malgré l’enfermement dans un véritable cachot et la présence continuelle de deux gendarmes. ll y eut encore une tentative pour la sauver , la conspiration de l’oeillet ! L’affaire dura trois jours, et l’on ne peut pas conclure aujourd’hui encore sur le sérieux de cette histoire , qui par les noms des personnes mises en cause et la forme même de son échec, la trahison de toute dernière minute du gendarme « complice » oblige à se poser la question d’un traquenard, marquant le début des ultimes humiliations qu’on comptait infliger à la reine, comptant sur son extrême fatigue pour la briser et l’abaisser le plus possible avant de la tuer ! C’est dans cette perspective qu’il faut placer le procès avec ses infamies connues. Ce qui me semble important pour avoir bien conscience de ce que représentait cette véritable passion de Marie Antoinette, c’est la force et la lucidité dont fit preuve pour se défendre cette femme épuisée, physiquement et psychologiquement ! Je ne pense pas qu’elle ait cru qu’elle allait sauver sa vie. Comme Louis XVI, elle ne nourrissait aucune illusion sur son sort. Si elle répondit avec une extraordinaire habileté à toutes les questions insidieuses qui lui furent posées, si même devant l’abjection et l’ignominie elle trouva les mots qui retournèrent l’opinion et couvrirent de honte les calomniateurs, c’est parce que jusqu’au bout, comme son époux qui avait accepté un appel au peuple qu’il savait inutile, elle défendait, tout comme lui, beaucoup plus que sa vie, à savoir un principe , et un principe séculaire : le respect de l’autorité légitime issue du pouvoir divin, autorité qui avait donné toutes ses preuves d’authenticité en construisant un pays , la France, où Dieu trouvait plus de bonheur qu’ailleurs parce qu’il y était respecté et célébré, les rois étaient ses fils et leurs sujets pouvaient recevoir mieux que d’autres les grâces d’amour de sa divine paternité. Nos rois, justement parce qu’ils étaient sacrés ne se prenaient pas pour Dieu, ils n’étaient que ses lieutenants et seulement pour les affaires temporelles, et cette réserve s’appliquait aussi quand ils agissaient au sein de l’Eglise. Et les reines de France étaient astreintes à une modestie plus grande encore ainsi qu’à une discipline rigoureuse. Marie Antoinette subit la terrible « étiquette » instaurée par Henri III, augmentée par Louis XIV. Ceux qui ont tourné cela en dérision de nos jours ont illustré admirablement la parabole de la paille et de la poutre. Aveugles opportunistes il n’ont pas discerné la grandeur et l’exercice d’endurcissement du caractère que cela exigeait des politiques. Marie Antoinette monta avec dignité, comme dans un carrosse, dans la charrette à fumier qui la conduisait à l’échafaud, elle garda la tête droite et impassible, même quand l’ignoble comédien raté Gramond précéda le cortège juché sur un cheval et brandissant une épée hurlant « La voilà, l’infâme Antoinette, elle est foutue mes amis », pas plus qu’elle ne broncha aux apostrophes de mégères vociférant sur son passage, jalouse du charme majestueux de la reine, pourtant bien effacé sur son visage précocement vieilli et enlaidi par ce bonnet blanc mal arrangé sur le sommet de sa tête par un bourreau pressé qui n’était point coiffeur-visagiste ! Ce portrait au crayon qu’en fit David et dont plusieurs témoins confirmèrent la justesse montre en fait un visage figé par le chagrin dans une rigidité qui n’efface pas la majesté d’une mater dolorosa ! Et quand elle comprit en arrivant place de la révolution le sens que ses tortionnaires avaient voulu donner à la fin de ce sinistre voyage, la guillotine n’étant plus à la place qu’elle occupait pour tuer le roi, mais déplacée pour être face au château des Tuileries, dernier raffinement de sadisme de la République, dont après tout « le divin marquis » était un des héros, il était membre, comme Robespierre de la section des piques, la reine qui fut une excellente danseuse retrouva la grâce d’un pas rapide et aérien pour quitter ce monde de monstres, sa hâte pour monter l’échelle de l’échafaud la fit marcher sur les pieds du bourreau, en perdant une chaussure. Et celle qui ne voulait point parler, parce qu’elle n’était pas le roi , ne se dispensa pas pourtant de sa politesse naturelle : « Excusez-moi moi, Monsieur, je ne l’ai pas fait exprès ! ». L’exécuteur des hautes oeuvres n’est après tout qu’un employé de la nation, et le père de celui qui allait « oeuvrer » pour elle avait travaillé sous son règne, il avait accompli son dernier travail en exécutant son royal maître. Sa veuve devait avoir des égards pour l’héritier d’un de ses anciens sujets , responsable d’une des plus lourdes charges partagée depuis des siècles avec le roi. La vraie grandeur consistait à le reconnaître. Marie Antoinette la manifesta en fidélité totale avec son mari , allant ainsi vers lui sans crainte d’être rejetée par le Christ qui déjà communiait avec elle dans le pardon qu’elle accordait à son bourreau par cette très simple excuse ! Ainsi soit-il